Je me souviens que le mot Castel Gandolfo entendu, alors que j'étais enfant, sur une terrasse ensoleillée donnant sur l'ilet du Gosier était pour moi le comble de l'exotisme, de l'ailleurs. J'ai longtemps cru que dans Colombey-les-deux-églises, colombey était un verbe dont la signification m'échappait; une sorte de rite mystérieux.
Je ne me souviens pas de la mort de Paul VI, alors que j'avais déja près de vingt ans.
En fait le pape dont la mort m'a le plus marqué est Clément XIV(1769-1774). A douze ans j'ai lu dans Les Hommes de la liberté de Claude Manceron ces lignes extraites d'une Histoire des Jésuites du Comte de Saint-Priest :
Les hommes de l'art appelés pour l'embaumer trouvèrent un cadavre au visage livide, aux lèvres noires, à l'abdomen enflé, aux membres amaigris et couverts de tâches violettes. Le volume du coeur était très diminué, tous les muscles détachés et décomposés dans l'épine dorsale. On eu beau remplir le corps d'aromates et de parfums, rien ne put dissiper ses exhalaisons méphitiques. Les entrailles de Clément rompirent le vase qui les contenait. Lorsqu'on le dépouilla de ses habits pontificaux, une grande partie de sa peau y demeura collée. La chevelure resta toute entière sur le coussin de velours qui soutenait la tête, et un simple frottement fit tomber tous les ongles l'un après l'autre.
Ces mots je m'en souviens encore.
Depuis ce temps plusieurs années se sont écoulées, et mon enfance est morte sans que je cesse d'être vivant.[1]

[1] Comme Philippes peut le constater, j'ai suivi ses conseils et lu quelques pages de Saint Augustin.